Clause abusive et architecte

Clause abusive et architecte
Le 6 juin 2022

Clause abusive, mode alternatif de règlement des litiges et contrat d’architecte.

Clause abusive dans les contrats d’architecte : la clause qui oblige le maître d’ouvrage consommateur, à peine d’irrecevabilité de l’action en garantie, à saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes avant toute procédure judiciaire, est une clause abusive (3ème Civ, 11 mai 2022, n° 21-15.420).

Le principe est, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, que le non-respect d’une clause de conciliation obligatoire constitue une fin de non-recevoir qui permet de déclarer irrecevable une action judiciaire entreprise sans ce préalable (voir cet article et cet article).

Le tempérament à ce principe était qu’une telle clause de conciliation était inapplicable en cas de mise en jeu de la responsabilité décennale de l’architecte.

Toutefois, un revirement spectaculaire est intervenu début 2022, aux termes duquel la Cour de Cassation a estimé que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte que l’arrêt qui, à défaut de cette preuve contraire, fait produire effet à une telle clause doit être cassé (3ème Civ, 19 janvier 2022, n° 21-11.095).

Ce faisant, la 3ème Chambre Civile a rejoint la position de la 1ère Chambre (1ère Civ, 16 mai 2018, n° 17-16.197).

Cet arrêt du 11 mai 2022 réaffirme ce revirement.

Des maîtres d’ouvrage ont confié à un architecte la maîtrise d’oeuvre de l’aménagement d’une grange. Dès le début des travaux, des désordres sont apparus sur les fondations des murs conservés et sur les nouvelles fondations.

Le couple a saisi le conseil régional de l’ordre des architectes, puis ont assigné ce dernier en référé expertise, la réunion devant le conseil des architectes étant alors annulée. A l’issue de l’expertise, les maîtres d’ouvrage ont assigné notamment l’architecte et son assureur aux fins de réparation de leurs préjudices.

Devant la Cour d’Appel, la fin de non-recevoir opposée par l’architecte au titre de l’absence de saisine du conseil de l’ordre des architectes a été accueillie.

Au visa des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 du Code de la consommation, et R.132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, et R. 632-1 du même Code, la Cour de Cassation a estimé que les juges d’appel n’avaient pas donné de base légale à leur décision.

La Haute Juridiction a rappelé que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Les Juges suprêmes ont souligné que sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couvertes par la loi ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

La Cour de Cassation a ainsi estimé qu’il incombait à la Cour d’appel d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif d’une clause instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge par le recours à un tiers.

Le revirement de la Cour de Cassation est donc réaffirmé : la clause qui oblige le maître d’ouvrage consommateur, à peine d’irrecevabilité de l’action en garantie, à saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes avant toute procédure judiciaire, est une clause abusive.

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