Réapparition des fissures : attention au délai de prescription !
Réapparition des fissures : application de la théorie des désordres évolutifs par la Cour de Cassation (3ème Civ, 6 septembre 2018, n° 17-22370).
Les faits étaient les suivants : en 2001, un couple a acquis un pavillon, dont la réception avait été prononcée en juillet 1993, et pour lequel une assurance dommages-ouvrage avait été souscrite.
Suite à l’apparition de fissures extérieures, le couple a déclaré le sinistre à l’assureur en septembre 2003, qui a accordé sa garantie. Après les travaux réparatoires, les maîtres d’ouvrage ont été confrontés à la réapparition des fissures, si bien qu’ils ont fait une nouvelle déclaration de sinistre en octobre 2005. L’assureur dommages-ouvrage leur a toutefois répondu que la garantie décennale était expirée et que les garanties n’étaient pas acquises. Le couple a alors assigné l’assurance en indemnisation de leurs préjudices.
La Cour d’Appel ayant déclaré irrecevable le recours en garantie contre l’assureur dommages-ouvrage, le couple a formé un pourvoi en cassation.
Ils ont soutenu que le principe de sécurité juridique et le droit à un procès équitable s’opposaient à ce que la nouvelle théorie des désordres évolutifs telle que définie par l’arrêt de la Troisième Chambre Civile du 18 janvier 2006 n° 04-17400 (jurisprudence dite des corbeaux) leur soit applicable compte tenu du fait que les dommages en cause avaient été déclarés avant la date de l’arrêt.
Les maîtres de l’ouvrage ont également prétendu que dès lors que les désordres objets de la seconde déclaration de sinistre, avaient la même cause, la même nature et la même origine que ceux antérieurement repris et étaient de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage, ils devaient être réparés par l’assureur dommages-ouvrage, et ce d’autant que la Cour d’Appel avait constaté que les travaux de reprise commandés par l’assurance étaient inadaptés.
La Cour de Cassation, dans son arrêt du 6 septembre 2018, n’a pas suivi l’argumentation des maîtres de l’ouvrage. Elle a appliqué sa jurisprudence établie en 2006 aux termes de laquelle la notion de désordre évolutif implique la réunion de trois conditions (voir cet article) :
- les désordres initiaux doivent avoir été dénoncés dans le délai de la garantie décennale
- la condition de gravité exigée par l’article 1792 du Code Civil doit avoir été satisfaite pour ces désordres initiaux avant l’expiration du délai de dix ans
- les nouveaux désordres doivent trouver leur siège dans l’ouvrage où un désordre de même nature a été constaté présentant le caractère de gravité requis pendant le délai décennal et dont la réparation a été demandée en justice avant l’expiration de ce délai
La Haute Juridiction a ainsi confirmé qu’en l’espèce, la demande en garantie formée contre l’assureur dommages-ouvrage était irrecevable, et que l’application de cette jurisprudence ne méconnaissait pas les exigences de sécurité juridique et le droit à un procès équitable.
Les Juges rappellent par cet arrêt que le délai décennal prévu par l’article 1792 du Code Civil est un délai d’épreuve : un ouvrage qui a satisfait à sa fonction pendant dix ans a rempli l’objectif recherché par le législateur.