Obligation de végétalisation : un régime juridique incertain
Bonjour !
Dans la précédente vidéo, nous avions évoqué l’obligation de solarisation.
Mais il ne s’agit pas du seul axe mis en place par le législateur pour lutter contre le dérèglement climatique, puisque comme nous l’avons vu, le nouvel article L. 171-4 du Code de la construction instaure le choix entre d’une part, l’intégration d’un procédé de production d’énergies renouvelables, et d’autre part un système de végétalisation, basé sur un mode cultural ne recourant à l’eau potable qu’en complément des eaux de récupération.
Le but est en effet d’installer sur les toitures des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation.
Un décret du 18 décembre 2023 et deux arrêtés du 19 décembre sont venus préciser les contours de l’obligation de végétalisation.
Ils ont notamment fixé les exigences concernant la proportion de la toiture du bâtiment à couvrir par un système de végétalisation.
C’est ainsi qu’il est prévu un échelonnement de l’obligation, puisque la surface de végétalisation doit être au moins égale à 30 % de la surface de toiture du bâtiment construit ou rénové à compter du 1er janvier 2024, à 40 % à compter du 1er juillet 2026, et à 50 % à compter du 1er juillet 2027.
Pour ceux qui ont lu les arrêtés, vous avez pu constater que les caractéristiques techniques sont très précises.
On vous indique par exemple l’épaisseur du substrat qui est exigée : 8 centimètres pour les rénovations et 10 centimètres pour les bâtiments neufs, ainsi que la capacité de rétention en eau et le nombre minimal d’espèces végétales, à savoir dix.
Il est également longuement détaillé les conditions économiques permettant de se soustraire à l’obligation de végétalisation : contraintes techniques, caractère excessif du coût des travaux d’installation…
Ce qui est moins précis, voire pas du tout, c’est le régime juridique applicable à cette obligation de végétalisation.
Une fois encore, la technique est allée plus vite que le juridique, qui peine à suivre.
Un arrêt de 2016 rendu par la Cour de Cassation avait semblé retenir la qualification d’élément d’équipement à propos d’un revêtement végétal.
3ème Civ 18 février 2016, n° 15-10.750
Dans cette affaire, un promoteur avait fait construire à Bordeaux une résidence comportant des toitures végétalisées.
Le syndicat des copropriétaires s’était plaint d’une insuffisance de végétation sur ces toitures, et le promoteur avait été condamné en appel sur le fondement de la garantie de bon fonctionnement de l’article 1792-3 du code civil.
L’arrêt d’appel avait toutefois été cassé, la Cour de Cassation considérant que des désordres qui affectaient le revêtement végétal d’une étanchéité, ne compromettant pas la solidité de l’ouvrage ni ne le rendant impropre à sa destination et concernant un élément dissociable de l’immeuble non destiné à fonctionner, ne relevaient pas de la garantie de bon fonctionnement.
Ce faisant, elle avait qualifié ce revêtement végétal d’élément d’équipement inerte, non destiné à fonctionner certes, mais élément d’équipement tout de même.
La végétalisation des bâtiments serait-elle alors susceptible d’entraîner la mise en jeu de la responsabilité décennale du constructeur concerné, par le biais de l’impropriété à destination, puisqu’elle participe désormais de l’objectif du législateur de performance environnementale ?
La question demeure, et ce n’est pas la seule.
Par exemple, l’un des arrêtés du 19 décembre 2023 nous livre une définition d’une espèce végétale permettant de remplir l’obligation de végétalisation.
Il s’agit, je cite, d’un ensemble d’individus végétaux vivants, à la fois semblables par leurs formes adultes et embryonnaires et par leur génotype, vivant au contact les uns des autres, s’accouplant exclusivement les uns aux autres et demeurant indéfiniment féconds entre eux.
Certains membres éminents de la Doctrine se sont interrogés avec beaucoup d’humour sur le point de savoir si la notion d’éléments d’équipement pouvait alors s’étendre aux êtres vivants, et si l’on pouvait continuer de qualifier d’inerte ces revêtements végétaux, comme dans l’arrêt de 2016.
Vous le voyez, ces sujets passionnants sont encore loin d’avoir trouvé un régime juridique, qui ne se formera, à défaut de précision législative, qu’avec la pratique et les contentieux.
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