Ampleur du désordre et mise en oeuvre de la garantie décennale
Ampleur du désordre connu par le maître d’ouvrage : en l’absence de réserve à la réception, la responsabilité civile décennale du constructeur ne peut pas être engagée (3ème Civ, 5 septembre 2024, n° 23-11.077).
Un couple a conclu un contrat de construction de maison individuelle avec une entreprise, comprenant un sous-sol. Les travaux ont été réceptionnés avec des réserves sans lien avec le litige.
Alléguant l’existence de désordres affectant le sous-sol, les maîtres d’ouvrage ont assigné l’entreprise en référé expertise, puis en indemnisation. Face à la liquidation judiciaire du CMI, ils ont appelé son assureur en intervention forcée.
Les Juges d’appel ont rejeté leur demande indemnitaire au titre des travaux de reprise des désordres, et ont prononcé la mise hors de cause de l’assureur. Les magistrats ont en effet relevé qu’au cours d’une réunion de chantier un mois avant la réception, il avait été constaté des infiltrations d’eau dans le sous-sol.
Les maîtres d’ouvrage avaient alors conclu un protocole d’accord avec le constructeur, selon lequel ce dernier devait mettre en oeuvre divers travaux pour mettre fin aux infiltrations. Le couple avait reconnu devant la Cour que le niveau des eaux avaient pu atteindre 70 cm.
La Cour d’appel a alors retenu que les maîtres d’ouvrage avaient connaissance dans toute son ampleur du désordre d’infiltrations à l’origine d’inondations du sous-sol, si bien qu’ils auraient dû le porter en réserve lors de la réception. En l’absence d’une telle réserve, les conditions de mise en oeuvre de la garantie décennale n’étaient pas réunies.
Le couple a formé un pourvoi en cassation. Ils ont fait état de la jurisprudence selon laquelle seul un désordre connu du maître de l’ouvrage dans toute son ampleur, et partant, dans ses conséquences, avant la réception, est couvert par une réception sans réserve. Dans la mesure où le protocole ne faisait pas mention des inondations mais seulement des infiltrations, ils considéraient que ce phénomène ne s’était révélé dans son ampleur et ses conséquences que postérieurement à la réception.
La Cour de Cassation n’a pas validé leur raisonnement, et a rejeté leur pourvoi, se fondant notamment sur le fait que les maîtres d’ouvrage avaient admis l’inondation en expliquant qu’une pompe avait été installée à la suite du protocole d’accord pour faire face aux entrées d’eau, dont le niveau avait atteint 70 cm.
On peut se poser la question de la pertinence de cette position si les travaux prévus au protocole avaient été exécutés et avaient donné satisfaction (l’arrêt ne nous donne pas d’indication à ce sujet) : le désordre ayant disparu à la réception, il aurait été logique de ne pas le porter en réserve. En principe, la responsabilité civile décennale du constructeur aurait alors pu être mobilisée en cas de réapparition des inondations.
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