Promoteur et dommages intermédiaires

Promoteur et dommages intermediaires
Le 5 avril 2022

Promoteurs : sont-ils tenus de la garantie des dommages intermédiaires ?

Bonjour à tous ! Je vous propose d’examiner quel est le régime de responsabilité du promoteur lorsque sont en cause des dommages intermédiaires.

Comme vous le savez, l’article 1646-1 du Code Civil indique que le vendeur d’un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes et entrepreneurs sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du code.

Si l’on se situe dans le cadre d’une vente après achèvement, c’est l’article 1792-1 du Code Civil qui s’applique, prévoyant qu’est réputé constructeur de toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire.

Ainsi, le promoteur est redevable envers ses acquéreurs de la garantie des dommages dont les constructeurs sont eux-mêmes responsables à son égard.

Une exception est toutefois à noter, puisque comme vous l’avez peut-être remarqué, l’article 1646-1 du Code Civil ne cite pas la garantie de parfait achèvement prévue par l’article 1792-6 comme étant l’une des obligations dont est tenu le vendeur en VEFA.

Ainsi, seule l’entreprise doit assumer la garantie de parfait achèvement vis-à-vis de l’acquéreur.

Le promoteur en VEFA est néanmoins tenu de la garantie des vices et défauts de conformité apparents de l’article 1642-1 du Code Civil.

 

Ceci étant précisé, la question se pose de la responsabilité du promoteur en cas de désordres qui ne relèvent pas des garanties obligatoires.

On retrouve ici la théorie des dommages intermédiaires instaurée par la jurisprudence.

Pour vous rafraichir la mémoire, il s’agit de  la réparation post réception des désordres qui n’atteignent pas la solidité de l’ouvrage et qui ne le rendent pas impropre à sa destination.

Il existait en effet un vide juridique concernant les désordres révélés après la réception et après l’année de garantie de parfait achèvement, et qui ne revêtaient pas le caractère de gravité requis pour bénéficier de la garantie décennale.

Les maîtres d’ouvrage ne disposaient alors d’aucun recours face à ces désordres, puisque le régime de la responsabilité civile décennale doit s’appliquer à l’exclusion de toute autre régime de responsabilité.

Néanmoins, par un arrêt de 1978, la Cour de Cassation a inauguré la théorie des dommages intermédiaires qui permet au maître d’ouvrage d’obtenir une indemnisation s’il rapporte la preuve d’une faute contractuelle imputable au constructeur (3ème Civ 10 juillet 1978 n° 77-12595).

Les dommages intermédiaires ne bénéficient donc pas de la présomption de responsabilité des garanties légales posées par les articles 1792 et suivants du Code Civil où il suffit de prouver l’existence du désordre, sans avoir à rapporter la preuve d’une faute.

Il s’agit donc d’un mécanisme juridique plus difficile à faire valider par les juges, étant rappelé qu’il ne s’applique pas devant le Juge administratif qui considère pour sa part que les relations contractuelles entre le maître d’ouvrage public et les constructeurs prennent fin avec la réception, faisant ainsi obstacle à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle.

Pour mettre valablement en œuvre la théorie des dommages intermédiaires, il faut donc :

·       un désordre caché à la réception

·       un désordre qui ne relève ni de la garantie décennale, ni de la garantie biennale ou de la GPA

·       une action engagée dans les dix ans à compter de la réception

·       la démonstration de l’existence d’une faute contractuelle du constructeur et d’un préjudice en découlant

 

Certaines juridictions du fond considéraient que le vendeur en VEFA était tenu d’une obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vices dont il ne pouvait s’exonérer que par la preuve de la survenance d’un cas de force majeure, régime dans lequel la faute n’a pas à être prouvée.

La Cour de Cassation n’a pas validé cette position, et a considéré que s’agissant des désordres intermédiaires, le promoteur était, tout comme les constructeurs, tenu envers l’acquéreur d’une responsabilité pour faute prouvée, et non d’une obligation de résultat (3ème Civ, 12 novembre 2014, n° 13-23570 ; 3ème Civ, 27 juin 2019, n° 18-14786, 3ème Civ, 14 mai 2020, n° 19-10434).

Cela a été récemment rappelé par la Cour de Cassation dans un arrêt du 5 janvier 2022 (3ème Civ, 5 janvier 2022, n° 20-21.913).

Pour engager la responsabilité du promoteur sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires, il est donc nécessaire que l’acquéreur rapporte la preuve de l’existence d’une faute personnelle qu’aurait commise le vendeur au regard des désordres allégués.

Dans l’arrêt de 2022, les désordres étaient dus à des défauts de conception et d’exécution des travaux, imputables aux entreprises qui en étaient chargées. La Cour de Cassation a relevé que le promoteur avait seulement la qualité de maître de l’ouvrage et non celle de maître d’oeuvre ou d’entrepreneur, et qu’il n’avait commis aucune faute de conception ou d’exécution.

A défaut de rapporter l’existence d’une faute personnelle commise par le promoteur, les demandes formées à son égard sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires ont donc été rejetées.

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