La protection du sous-traitant

Protection du sous traitant
Le 14 mars 2023

La protection du sous-traitant

Bonjour à tous !

Je suis ravie de vous retrouver pour une vidéo relative à la protection du sous-traitant, qui est plus étendue que l’on ne croit, et un intéressant arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 11 janvier 2023 publié au Bulletin, est venu l’illustrer.

Comme vous le savez, les sous-traitants bénéficient en premier lieu de la protection induite par la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, dont je vais vous rappeler les principaux articles.

L’article 3 de la loi prévoit que l’entrepreneur qui entend exécuter un contrat en recourant à un sous-traitant doit faire accepter ce dernier et faire agréer les conditions de paiement par le maître de l’ouvrage.

L’article 6 dispose quant à lui que le sous-traitant direct qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées, peut bénéficier du paiement direct par le maître d’ouvrage pour la part du marché dont il assure l’exécution.

L’article 14 énonce qu’à peine de nullité du contrat, les paiements des sommes dues par l’entrepreneur principal au sous-traitant sont garantis par une caution personnelle et solidaire, sauf s’il existe une délégation de paiement auprès du maître d’ouvrage.

Enfin, l’article 14-1 dispose que le maître d’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet d’une acceptation et d’un agrément de ses conditions de paiement, mettre en demeure l’entrepreneur principal de s’acquitter de ses obligations.

Le maître d’ouvrage doit également s’assurer que l’entrepreneur principal a fourni une caution dans l’hypothèse où le sous-traitant ne bénéficie pas d’une délégation de paiement.

Ces dispositions de la loi du 31 décembre 1975 sont protectrices vis-à-vis du sous-traitant, en mettant à la charge du maître d’ouvrage une obligation de contrôle des diligences de l’entrepreneur principal, et en offrant au sous-traitant le bénéfice d’une action directe en paiement contre le maître d’ouvrage, via l’article 12 de la loi, lorsque le traitant principal ne paie pas.

La conséquence est sévère pour le maître d’ouvrage : la sanction peut aller jusqu’au paiement intégral de la créance du sous-traitant, sans qu’il puisse se prévaloir du paiement effectué au profit de l’entrepreneur principal. Le maître d’ouvrage peut donc être amené à payer deux fois le montant des travaux.

3ème Civ, 15 mai 2013 n° 12-16.343

 

Cette position jurisprudentielle est d’ailleurs valable même pour la sous-traitance de second rang : pour eux également, le maître d’ouvrage doit s’assurer que l’entreprise principale a respecté ses obligations, notamment celles liées à la garantie de paiement.

CAA PARIS 29 décembre 2017, n° 16PA02350, société OTND

 

La jurisprudence a également décidé que les dispositions d’ordre public de la loi du 31 décembre 1975 interdisaient toute renonciation ou remise conventionnelle accordée par le sous-traitant à la caution, si bien qu’une mainlevée donnée par un sous-traitant à une banque est nulle et la banque ne peut s’en prévaloir pour dénier sa garantie.

3ème Civ, 14 septembre 2017, n° 16-18.146

 

Malgré l’ambition protectrice de la loi du 31 décembre 1975, l’indemnisation du sous-traitant peut être réduite quand le maître d’ouvrage a intégralement payé l’entrepreneur principal avant de connaître l’existence du sous-traitant, et que les sommes réclamées intègrent des travaux supplémentaires dont la preuve de l’acceptation par le maître d’ouvrage n’est pas rapportée.

3ème Civ, 13 juillet 2016 n° 15-20.779

 

Au-delà de la protection créée par la loi du 31 décembre 1975, le sous-traitant est également protégé par les dispositions du droit commun des contrats.

Ainsi, l’article 1231-1 du Code Civil relatif à la responsabilité contractuelle peut trouver application quand la rupture du contrat de sous-traitance représente un caractère abusif, entrainant l’allocation de dommages-intérêts pour le sous-traitant.

3ème Civ, 6 avril 2022, n° 21-14.905

 

Mais il y a un troisième axe de protection qui a été exploré tout récemment par la Cour de Cassation, et c’est celui du droit de la concurrence.

Com, 11 janvier 2023, 21-11.163, Publié au bulletin

Un sous-traitant d’un constructeur de maisons individuelles a contesté la déduction d’une remise exceptionnelle de 2 % sur le prix appliqué par le CMI et fondée sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le fameux CICE.

Le ministre chargé de l’économie a assigné le CMI afin qu’il soit jugé que les pratiques consistant, d’une part, à déduire des factures des sous-traitants une remise systématique de 2 % au titre du CICE, d’autre part, à s’octroyer un escompte de 3 % pour des factures réglées en retard, contrevenaient aux dispositions de l’article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence

Cet article, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé.

La Cour d’Appel de Paris a fait application de cet article, et le CMI a formé un pourvoi en cassation, estimant que cet article propre au droit de la concurrence ne s’appliquait pas aux relations de sous-traitance, déjà protégées par des dispositions spéciales.

Le moyen du CMI est rejeté par la Cour de Cassation, qui considère que les relations de sous-traitance entrent dans le champ d’application de l’article L. 442-6 du code de commerce, et que ce texte n’édictant aucune règle incompatible avec les dispositions du code de la construction et de l’habitation, il s’applique aux relations entre un constructeur de maison individuelle et ses sous-traitants.

Vous le voyez donc, les sous-traitants bénéficient de tout un panel de dispositions permettant de les protéger face à la position dominante des entreprises principales. Encore faut-il connaître ces mécanismes et savoir les mettre en œuvre !

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