Inopposabilité de la prescription biennale
Bonjour ! Dans cette vidéo, nous allons aborder la question de la prescription biennale en droit des assurances sous l’angle de son inopposabilité à l’assuré.
En tant qu’assuré, vous vous êtes déjà peut-être vu opposer un refus de garantie, l’assureur invoquant la prescription biennale de l’article L. 114-1 du Code des assurances.
Cet article dispose que toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.
Il est complété par l’article L. 114-2 qui énonce que la prescription est interrompue de 3 façons :
– une des causes ordinaires d’interruption de la prescription : reconnaissance par le débiteur, demande en justice, mesure conservatoire ou encore un acte d’exécution forcée
– la désignation d’experts à la suite d’un sinistre
– l’envoi d’une lettre recommandée ou d’un envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l’assureur à l’assuré en ce qui concerne l’action en paiement de la prime et par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité
Ainsi, le code des assurances déroge au délai de prescription de droit commun de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil pour retenir que l’assureur est libéré envers l’assuré resté inactif pendant deux ans.
La question se pose de savoir dans quelles conditions cette prescription biennale était opposable par l’assureur à l’assuré.
L’article R. 112-1 du code des assurances impose de rappeler ce délai très court dans les polices d’assurance.
Pour que cette obligation d’information pesant sur l’assureur soit effective, et protéger l’assuré, la Cour de Cassation a été amenée à préciser la sanction de cette obligation et son contenu.
Ainsi, la jurisprudence a estimé pour assurer l’opposabilité à l’assuré de ce mécanisme, la police devait reproduire en intégralité les dispositions légales que je viens d’évoquer, en ce compris les dispositions du Code Civil sur les causes ordinaires de l’interruption de la prescription.
Civ 2ème 04 février 2016 N° 15-14.649 ; Civ 3ème 07 avril 2016 N° 15-14.154
A défaut, l’assureur se trouve dans une impossibilité totale d’invoquer la prescription biennale.
La Cour de Cassation a admis que le texte soit correctement recopié dans les CG et non dans les CP, à la condition que les CP comporte la mention selon laquelle les CG ont été remises à l’assuré.
3ème civ., 20 oct. 2016, no 15-18.418
Toute référence partielle aux dispositions sur la prescription biennale sont sanctionnées par la jurisprudence par l’inopposabilité totale de cette prescription, rendant les demandes de l’assuré recevables quand bien même elles auraient été formées hors délai.
Civ 2ème 23 novembre 2017 N° 16-26.671 ; Civ 3ème 08 février 2018 N° 16-25.547
Ainsi, pour que la prescription biennale soit opposable à l’assuré, il faut que la police indique clairement :
– Les différents points de départ du délai de prescription, cité à l’article L. 114-1 du Code des assurances
– Les causes d’interruption de la prescription propres au droit des assurances citées à l’article L. 114-2
– Les causes ordinaires d’interruption de la prescription
La Cour de Cassation considère également que c’est à l’assureur qu’il incombe de prouver la reprise dans la police de l’intégralité des dispositions sur la prescription, en produisant ladite police, quand bien même ce serait l’assuré qui se prévaudrait de la non reprise de ces éléments.
Civ 2ème 18 avril 2019 N° 18-16.359
La jurisprudence a même dû préciser qu’en l’absence de mention des dispositions légales sur la prescription biennale, l’assureur n’était pas autorisé à invoquer la prescription de droit commun de l’article 2224 du Code Civil, inapplicable en droit des assurances.
Civ 3ème 21 mars 2019 N° 17-28.021
La position de la jurisprudence est donc stricte envers les assureurs, et la question de l’opposabilité de la prescription biennale a donné lieu à un contentieux abondant.
C’est la raison pour laquelle certains, comme la Cour de Cassation elle-même, souhaiteraient que la prescription en matière d’assurance soit alignée sur le droit commun, et soit soumise au délai de cinq ans prévu à l’article 2224 du Code Civil.
Ceci augmenterait la protection des assurés, qui se laissent facilement surprendre par le délai de deux ans, et ce d’autant que les pourparlers avec l’assureur ne suspendent pas la prescription.
A ce jour, cette suggestion de réforme n’a pas été suivie d’effet, pas plus que celle proposant que la phase de discussion amiable entre l’assureur et l’assuré soit une cause de suspension du délai.
▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬ INFOS ▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬▬
Venez découvrir les différents domaines d’activités ainsi que les vidéos YouTube de Me Marine VENIN et abonnez-vous à sa chaîne !