Incendie, garantie décennale et cause étrangère.
Incendie : la responsabilité décennale ne joue pas si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère (3ème Civ, 28 janvier 2921, n° 19-22.794).
Un copropriétaire a confié à un maître d’oeuvre la réalisation de travaux d’aménagement d’un appartement. Des travaux d’électricité, de menuiseries et de charpente ont été notamment réalisés.
Deux ans après la réception, un incendie a détruit le grenier la charpente et la couverture.
Après expertise, le maître d’ouvrage et son assureur multirisques habitation ont assigné les différents intervenants en indemnisation, sur le fondement de l’article 1792 du Code Civil.
La Cour d’Appel a rejeté leurs demandes formées à l’encontre de l’assureur de l’électricien (depuis en liquidation) et de l’entreprise de charpente. Selon les Juges d’appel, l’expert judiciaire n’avait pas clairement identifié la cause du sinistre.
Suite au pourvoi du copropriétaire, la Cour de Cassation a annulé l’arrêt d’appel. Elle a rappelé que la responsabilité décennale n’avait pas lieu si le constructeur prouvait que les dommages provenaient d’une cause étrangère.
En l’espèce, la Cour d’Appel avait retenu que selon l’expert judiciaire, l’incendie avait une cause vraisemblablement accidentelle relevant de défaillances électriques consécutives à un défaut de conception, un défaut de construction ou une mauvaise installation. L’expert n’avait toutefois pas pu identifier clairement la cause du sinistre.
Dès lors, selon les Juges d’Appel, l’existence d’un vice de construction n’avait pas été établie. Le fait que l’incendie se soit déclaré en un seul foyer, du fait d’une défaillance électrique dont la cause restait indéterminée, ne permettait pas, pour la Cour d’Appel, de démontrer l’existence de désordres en relation de causalité avec l’incendie, caractérisant ainsi la cause étrangère.
La Cour de Cassation n’est pas du même avis.
S’il n’avait pas clairement identifié la cause du sinistre, l’expert judiciaire avait toutefois exclu toute cause extérieure, et avait rappelé que l’incendie, d’origine électrique et accidentelle, avait pris naissance dans les combles, où d’importants travaux de rénovation avaient été réalisés.
Pour la Haute Juridiction, les motifs retenus par la Cour d’Appel n’étaient pas suffisants pour établir l’existence d’une cause étrangère qui aurait pu exonérer les constructeurs de leur responsabilité décennale.
En l’espèce, les constructeurs et leurs assureurs étaient donc susceptibles de mobiliser la garantie civile décennale.
Cet arrêt s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle actuelle élargissant le champ de la responsabilité civile décennale en cas d’incendie (voir en ce sens 3ème Civ, 8 février 2018 n° 16-25.794).
Auparavant, la Cour de Cassation exigeait la preuve d’un vice affectant les travaux à l’origine de l’incendie pour mobiliser la garantie décennale. En effet, si l’article 1792 du Code Civil instaure une présomption de responsabilité à la charge des constructeurs, encore faut-il que le maître d’ouvrage apporte la preuve de l’imputabilité du dommage aux travaux réalisés.
Or en l’espèce, alors que la cause du sinistre, et donc son imputabilité aux travaux, n’avait pas été établie par l’expert judiciaire, les Juges ont retenu l’application de la garantie décennale.
Ainsi, avec cette tendance jurisprudentielle, la présomption de responsabilité l’emporte sur la notion d’imputabilité.
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