Hors d’eau hors d’air et obligation de conclure un CCMI
Hors d’eau hors d’air : en l’absence de vitres posées, la mise hors d’air est exclue, et le contrat n’est pas un CCMI (3ème Civ, 24 juin 2021, n° 20-12.170).
Un couple a confié à un entrepreneur, assuré en responsabilité décennale, la construction d’une maison d’habitation. Après l’achèvement des travaux, les maîtres d’ouvrage ont constaté l’apparition de désordres, à savoir des fissures généralisées. Ils ont sollicité une expertise judiciaire, puis ont assigné l’entrepreneur et son assureur en indemnisation sur le fondement de la responsabilité décennale.
Il s’est avéré que l’entrepreneur était décédé un an avant l’assignation au fond.
La Cour d’Appel a condamné l’assureur à verser notamment la somme de 240.000 euros aux maîtres d’ouvrage au titre du préjudice matériel. La compagnie d’assurance a alors formé un pourvoi en cassation.
Elle a soutenu que le contrat liant les parties s’analysait en un contrat de construction de maison individuelle, activité non déclarée par son assuré, et partant non garantie.
Les Juges d’appel avaient souligné que l’installation de menuiseries extérieures avec vitres posées n’était pas établie, si bien que la construction ne pouvait pas être considérée comme étant hors d’eau hors d’air.
Or l’article L. 232-1 du Code de la construction et de l’habitation relatif au contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan, implique la réalisation des travaux de gros oeuvre et de mise hors d’eau hors d’air.
Cet élément faisant défaut, le contrat conclu entre le couple et l’entrepreneur n’était pas un CCMI selon les Juges, qui de surcroît ont retenu l’absence de prix forfaitaire.
Au soutien de son pourvoi, la compagnie d’assurance a fait valoir qu’était produite aux débats une facture ayant pour objet le second oeuvre comportant la mention de la « pose de menuiseries extérieures, calfeutrement ». Elle en a déduit qu’il s’agissait bien là de la mise hors d’eau hors d’air de la maison.
L’assureur a également soutenu que les textes relatif à l’exigence d’un CCMI ne subordonnaient pas sa conclusion à la stipulation d’un forfait.
La position de l’assurance est balayée par la Cour de Cassation. Selon la Haute Juridiction, les Juges d’appel ont souverainement retenu que l’installation des menuiseries extérieures avec vitres posées n’était pas établie, excluant ainsi la mise hors d’air.
En outre, elle a relevé que le contrat ne présentait pas les caractéristiques d’un marché à forfait, élément que doit préciser un CCMI.
La Cour de Cassation en a déduit que les relations contractuelles entre le couple et l’entrepreneur ne s’analysaient pas en un contrat de construction de maison individuelle.
C’est ainsi qu’elle a approuvé la Cour d’Appel qui avait écarté la non garantie de l’assureur et l’avait condamné à indemniser les maîtres d’ouvrage sur le fondement de la garantie décennale.
L’assurance a été piégée par l’absence de descriptif de la facture de l’entrepreneur, ces dernières étant souvent sommaires lorsqu’elles sont émises par des artisans ou des entreprises individuelles.
Il semble que les Juges n’aient pas eu le coeur de laisser des maîtres d’ouvrage à la merci d’une non garantie d’assurance, et ont préféré appliquer le proverbe suisse : « Le diable est dans les détails ».
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