Elément d’équipement à vocation exclusivement professionnelle : admis pour la première fois
Bonjour à tous !
Il y a trois ans, je vous proposais une vidéo sur le sujet des éléments d’équipement à vocation exclusivement professionnelle, en vous faisant part de l’absence de décisions jurisprudentielles explicites sur la question.
En effet, depuis la création de l’article 1792-7 du Code Civil il y a vingt ans, la Cour de Cassation n’avait jamais considéré que ses conditions d’application étaient réunies.
Or dans un arrêt rendu le 6 mars 2025 publié au Bulletin pour marquer son importance, la Cour de Cassation a pour la première fois admis la présence qu’un élément d’équipement avait une fonction exclusivement professionnelle, au sujet d’un séparateur d’hydrocarbures permettant le traitement des eaux usées et boueuses d’une station de lavage automobile.
Civ 3ème, 6 mars 2025 n° 23-20.018
Avant d’examiner un peu plus cet arrêt, gardons à l’esprit que l’article 1792-7 du Code Civil dispose que ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792 et suivants, les éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage.
Ces éléments sont alors exclus du champ de la responsabilité civile décennale.
Cet article avait été créé en réponse à une jurisprudence très fluctuante sur les éléments d’équipement à caractère industriel, qui souvent affirmait simplement que « les désordres ne relevait pas de travaux de construction faisant l’objet de la garantie légale ».
Civ 3ème 22 juillet 1998, n°95-18.415
Le législateur a ainsi voulu clarifier le champ d’application de la RC décennale et donc de l’obligation d’assurance
L’article 1792-7 prévoit un double critère cumulatif :
- La fonction professionnelle de l’équipement
- Le caractère exclusif de la fonction professionnelle
Mais hormis ce double critère, extrêmement sujet à interprétation, le législateur n’a donné aucune définition de cet élément d’équipement.
La doctrine a été très divisée quant au sens à donner à ce critère, certains préconisant une interprétration restrictive et d’autres large.
La position dominante était alors de distinguer entre d’une part les éléments d’équipement destinés à accueillir l’activité professionnelle, qui restaient soumis aux garanties légales, et d’autre part les éléments d’équipement destinés à l’exercice même de l’activité professionnelle, qui en étaient exclus.
Les rares arrêts rendus sur le sujet par la Cour de Cassation ont tous écarté l’application de l’article 1792-7, en considérant :
- soit que l’élément en question était en réalité en lui-même un ouvrage neuf, à propos d’une conduite métallique d’adduction d’eau de six kilomètres de long
- soit que l’élément répondait aux besoins de la fonctionnalité numérique de l’ouvrage nécessaire à tout bâtiment abritant une entreprise, à propos d’un réseau de câblage informatique d’un immeuble de bureau
Civ 3ème 19 janvier 2017 N°15-25.283
Civ 3ème 14 décembre 2022 N° 21-19.377
Dans l’arrêt du 6 mars 2025, une société avait confié à une entreprise des travaux de terrassement, de voirie et de réseaux d’une station de lavage automobile.
Alléguant l’existence de débordements d’eaux non filtrées sur les pistes de lavage, le maître d’ouvrage avait assigné le constructeur et son assureur en indemnisation de ses préjudices.
La Cour d’appel a admis la responsabilité décennale de l’entreprise, et donc la garantie de son assureur, au motif que les travaux de voirie et de réseaux participaient de la réalisation d’un ouvrage, et que le séparateur d’hydrocarbures n’était pas un élément d’équipement dont la fonction exclusive était de permettre l’activité de station de lavage.
La Cour de Cassation a cassé l’arrêt d’appel en faisant application de l’article 1792-7 du Code Civil : ce séparateur d’hydrocarbures constituait un équipement de traitement des eaux potentiellement chargées de boues générées par l’utilisation de la station de lavage.
L’existence de ce séparateur n’était donc liée qu’à l’exercice de l’activité professionnelle dans l’ouvrage : il devait donc être exclu du champ d’application de la RC décennale et donc de l’assurance construction obligatoire, en application de l’article 1792-7.
Le pourvoi de l’assureur, qui avait soutenu que ce séparateur d’hydrocarbures était étranger à la fonction construction et que sa présence n’était justifiée que par l’exploitation de la station de lavage, a donc été accueilli par la Cour de Cassation.
Voici donc un premier exemple de l’admission par la jurisprudence de la présence qu’un élément d’équipement ayant une fonction exclusivement professionnelle.
Selon la doctrine, la portée de cet arrêt n’est pas sans danger, la Cour ne se prononçant pas exactement sur le caractère exclusif de la fonction professionnelle, et je vous invite à vous reporter pour plus d’analyse aux parutions juridiques, notamment la RDGA d’avril.
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