Danger pour les usagers : la responsabilité décennale est engagée.
Danger pour les usagers : l’impropriété à destination est caractérisée selon le Conseil d’Etat (CE 6 avril 2018, Commune de Thenay, n° 406089).
Souhaitant revaloriser son centre bourg, une commune a engagé des travaux de voirie en confiant la maîtrise d’œuvre à une entreprise. Suite à la réception, la commune a constaté notamment une atteinte à la solidité des bordures de trottoirs.
La commune a alors saisi le juge administratif aux fins de voir condamner le maître d’œuvre et l’entreprise de voirie sur le fondement de la garantie décennale.
Ses demandes ont été rejetées tant par le Tribunal administratif que par la Cour administrative d’appel. La commune a alors formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat.
La Juridiction suprême a annulé l’arrêt d’appel en accueillant les demandes du maître d’ouvrage public.
La Cour administrative d’appel avait estimé que les désordres affectant les bordures de trottoirs ne constituaient pas une impropriété à destination.
Le Conseil d’Etat a au contraire considéré que la dégradation fréquente et importante des bordures présentait un danger pour les usagers, qui était en outre de nature à s’accentuer dans le temps à défaut de toute reprise.
Ainsi, il a jugé que ce désordre rendait bien l’ouvrage impropre à sa destination, caractéristique engageant la responsabilité des constructeurs.
Par ailleurs, la Cour d’appel avait jugé que le maître d’œuvre et le constructeur devaient être regardés comme étrangers aux désordres, dès lors que seule la décision de la commune de porter, après la réception, la vitesse maximale sur la chaussée à 50 km/h était à l’origine des dommages.
Là encore, le Conseil d’Etat n’a pas adopté la même position. Il a en effet estimé que les constructeurs auraient dû signaler au maître d’ouvrage que, compte tenu de la fragilité inhérente à ce type de matériau et de ce que la chaussée était une voie départementale, l’emploi de pierre calcaire pour les bordures de trottoir n’était pas pertinent.
Ainsi la responsabilité décennale des entreprises était engagée dès lors qu’il leur incombait de signaler à la commune tout défaut de conception susceptible d’entraîner une mauvaise utilisation ou un risque de dégradation de l’ouvrage.
Cet arrêt illustre ainsi les cas où le danger pour les usagers constitue un désordre de nature décennale.