Contrôleur technique et cause étrangère : quid de la faute des autres intervenants ?
Bonjour !
Dans cette vidéo, nous allons examiner ensemble la question de la cause étrangère dans le cadre de la responsabilité du contrôleur technique.
Vous le savez, le régime de la garantie décennale implique que les constructeurs ne peuvent pas être exonérés de leur responsabilité en prouvant leur absence de faute.
Seule une cause étrangère pourrait être exonératoire, à savoir : la force majeure, le fait d’un tiers ou la faute du maître de l’ouvrage.
C’est ce dont il ressort du second alinéa de l’article 1792 du Code Civil, qui dispose que la responsabilité civile décennale n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
Le contrôleur technique est, comme les autres constructeurs, soumis à la présomption de la responsabilité civile décennale en vertu de l’article L. 125-2 du Code de la construction et de l’habitation.
Mais compte tenu de son rôle spécifique, il a été apporté à son régime de responsabilité des limitations qui ne profitent qu’à lui, à savoir que contrairement aux autres intervenants, qui ne peuvent pas s’exonérer de leur responsabilité civile décennale par la preuve de l’absence de faute, celle du contrôleur technique ne s’apprécie qu’au regard de la mission de ce dernier, qui est de donner des avis.
Le contrôleur technique peut donc s’exonérer de sa responsabilité si ses avis n’ont pas été suivis, et il n’est pas tenu de vérifier que ses avis ont été respectés, comme nous l’avions vu dans une précédente vidéo.
3ème Civ, 30 mars 1989, n° 88-10.945
3ème Civ 29 juin 2022, n° 21-16.511
Une fois ces principes posés, et vous le savez sans doute, une défense classique pour un locateur d’ouvrage dans un litige de construction est d’utiliser une réponse qu’on entend aussi dans les cours de récréation : « ce n’est pas moi, c’est lui ! ».
En réalité, vis-à-vis du maître d’ouvrage, cette défense est inutile : la présomption de responsabilité sera plus forte.
La Cour de Cassation est ainsi récemment venue rappeler que la cause étrangère ne peut pas résulter des fautes commises par les autres intervenants à l’opération de construction.
Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 14 septembre 2023, une SCI avait entrepris la restruction d’un bâtiment en quatre logements indépendants, et avait chargé une société d’une mission de contrôle technique.
3ème Civ, 14 septembre 2023, n° 22-13.375
Après une réception sans réserve, une société de fabrication de filets de pêche du Bassin d’Arcachon a acquis l’immeuble.
Confrontées à des désordres, la SCI et l’acquéreur ont assigné tous les intervenants en référé expertise, puis en indemnisation.
La Cour d’Appel a débouté les maîtres d’ouvrage de leurs demandes formulées à l’égard du contrôleur technique au motif qu’il n’était pas justifié d’un manquement à sa mission en relation de cause à effet avec les préjudices allégués.
Vous avez ici un aperçu du régime différent du contrôleur technique, puisqu’un constructeur classique ne peut pas faire valoir l’absence de faute pour se voir exonéré de toute responsabilité.
La Cour d’Appel avait relevé qu’il n’avait été transmis au contrôleur que de simples plans généraux, soulignant que même s’il avait réclamé les pièces nécessaires, il n’en aurait pas obtenu davantage puisque l’expert judiciaire lui-même n’avait pu obtenir que des documents très partiels.
Elle a souligné que le contrôleur n’avait été sollicité que huit mois après la réception, de sorte qu’il n’avait pas pu procéder à ses constatations en cours de construction, mais seulement consigner, après achèvement, les défauts de conformités, manques de finition, et désordres.
Les Premiers Juges en ont déduit que le contrôleur technique avait été empêché d’exécuter sa mission, en ne recevant aucun dossier de conception digne de ce nom.
La Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel en rappelant que certes la responsabilité du contrôleur technique n’a pas lieu s’il prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère, mais celle-ci ne peut pas résulter des fautes commises par les autres intervenants à l’opération de construction.
Un contrôleur technique ne peut donc pas se prévaloir de la faute d’un autre constructeur pour tenter d’échapper à sa responsabilité vis-à-vis du maître d’ouvrage.
Cette ligne de défense ne pourra être soulevée que dans le cadre des recours entre constructeurs, pour déterminer la répartition de la dette entre les défendeurs condamnés.
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