Assignation de la DO

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Le 7 mai 2024

Assignation de la DO : ni trop tôt, ni trop tard !

Bonjour à tous !

Aujourd’hui je souhaiterais aborder avec vous une pratique quelque peu contre-productive, et qui consiste pour un maître d’ouvrage à assigner l’assureur dommages-ouvrage directement en référé expertise, sans mettre en œuvre le cheminement de la déclaration de sinistre.

Encore trop de maîtres d’ouvrage méconnaissent le mécanisme pourtant très favorable de l’assurance dommages-ouvrage, et au lieu d’effectuer une déclaration de sinistre, font le choix de l’assigner aux côtés des constructeurs et la traite comme un assureur RCD lambda.

Pourtant l’objet même de la DO est d’offrir au maître d’ouvrage victime de désordres de nature décennale, la possibilité d’obtenir le préfinancement des travaux réparatoires, sans avoir à se charger par la suite de faire reconnaître la responsabilité des entreprises.

Mais face à l’intérêt de la gestion amiable des sinistres par la DO, la jurisprudence a rapidement décidé qu’il était interdit à l’assuré de saisir un Tribunal avant d’avoir mis en œuvre la procédure de l’article L. 242-1 du Code des assurances.

Qu’il s’agisse d’une assignation en référé ou d’une assignation au fond, elle ne saurait être valable sans déclaration de sinistre préalable à la DO.

3ème Civ, 28 octobre 1997, n° 95-20.421

3ème Civ, 19 mai 1999, n° 96-20.842

Il s’agit d’ailleurs d’une méthode préjudiciable au maître d’ouvrage puisque la présence de la DO aux opérations d’expertise ne constitue pas une manifestation de volonté non équivoque de cet assureur de renoncer à se prévaloir de l’absence de la déclaration de sinistre.

La demande d’indemnisation au fond après expertise de l’assuré à l’encontre de la DO pourra alors être déclarée irrecevable, et il aura perdu de précieuses années.

3ème Civ, 10 février 2010, n° 09-65.186

La jurisprudence est également venue préciser que le maître d’ouvrage est lié par les désordres qu’il déclare à la DO : il ne peut pas l’assigner pour des désordres supplémentaires qui ne lui ont pas été déclarés.

3ème Civ, 15 juin 2000, n° 98-20.193).

En soi, cette jurisprudence est logique et bienvenue, puisque tout l’objectif de l’assurance dommages-ouvrage est d’éviter les contentieux et la surcharge des tribunaux.

Il faut donc au préalable que la voie amiable soit épuisée, pour autoriser une action judiciaire.

Certains maîtres d’ouvrage ont donc imaginé respecter cette position jurisprudentielle, en déclarant le sinistre à la DO, mais en l’assignant avant l’expiration du délai de 60 jours imparti pour prendre position sur les garanties, pensant peut-être à tort que ce délai était trop long…

Mais la Cour de Cassation a également été catégorique sur ce point, et refuse que l’assuré puisse assigner la DO avant l’expiration des 60 jours.

Un arrêt du 7 décembre 2023 a réitéré cette position dans une affaire où le maître d’ouvrage avait déclaré un sinistre à la DO le 29 septembre, et l’avant assigné quelques jours après, le 2 octobre.

3ème Civ, 7 décembre 2023, n° 22-19.463

La Cour de Cassation a souligné que le délai imparti à l’assureur pour notifier sa décision quant au principe de sa garantie n’était pas expiré le jour de la délivrance de l’assignation.

L’action du maître d’ouvrage à l’encontre de l’assurance dommages-ouvrage n’était donc pas recevable, faute d’avoir attendu l’expiration du délai de soixante jours.

Si ce premier délai de 60 jours doit être respecté par l’assuré, en revanche la jurisprudence considère que l’assignation de la DO peut avoir lieu avant l’achèvement de la procédure d’indemnisation.

Civ 1ère, 10 juillet 2001, n° 98-22.037

Le fait que l’assuré assigne l’assureur n’interrompt pas le processus d’indemnisation et ne peut justifier la carence de la DO à proposer une indemnité.

De plus, si le maître d’ouvrage fait le choix de ne pas déclarer un sinistre à la DO et donc de ne pas l’assigner, les constructeurs ne sauraient le lui reprocher.

La mise en œuvre de la DO n’est qu’une faculté pour le maître d’ouvrage.

3ème Civ, 29 mars 2000, n° 98-19.744

Les constructeurs ne sauraient pas plus soutenir que le maître d’ouvrage commet une faute en ne sollicitant pas la dommages-ouvrage, et que c’est cette faute qui aurait causé son préjudice économique : l’absence de mise en œuvre de la DO n’exonère pas les constructeurs de leur responsabilité civile décennale.

2ème Civ, 11 octobre 2001, n° 99-17.322

Vous le voyez, il est inutile et contre-productif pour le maître d’ouvrage d’assigner trop tôt la DO, et il faut bien veiller au respect préalable de la procédure amiable.

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