1792-7 du Code Civil et son application par le Juge administratif
Bonjour à tous !
Dans cette vidéo, je vous propose d’étudier les conditions d’application de l’article 1792-7 du Code Civil dans le cadre d’un marché public de travaux.
Nous l’avions déjà évoqué lors de précédentes vidéos, cet article avait été instauré par l’ordonnance de 2005 pour sortir du champ des garanties légales certains éléments d’équipement d’un ouvrage, à savoir ceux dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage.
Cela permettait de contrer une jurisprudence de la Première chambre civile qui intégrait tous ces éléments d’équipement aux garanties légales, conduisant à étendre le champ d’application de l’assurance obligatoire.
Si la Cour de Cassation s’est efforcée de répondre aux questions sur l’application de l’article 1792-7 qui lui étaient posées, quand bien même cela a été pour l’écarter, le Conseil d’Etat a été quant à lui plus radical : il a décidé que l’article 1792-7 du code civil n’était pas applicable à la garantie décennale à laquelle sont tenus les constructeurs au titre de marchés publics de travaux.
Pour info ou pour rappel, le Conseil d’Etat est la juridiction suprême de l’ordre administratif, à l’instar de la Cour de Cassation qui est la juridiction suprême de l’ordre judiciaire. Sont donc amenés devant lui tous les litiges entre des constructeurs et un maître d’ouvrage public.
Depuis des décennies, le Conseil d’Etat s’autorise à n’appliquer que les « principes dont s’inspirent des articles 1792 et 2270 du Code Civil », puisque comme son nom l’indique, il s’agit d’un code civil et non d’un code administratif.
Conseil d’Etat, Ass, du 2 février 1973, 82706
Conseil d’État, 7ème / 2ème SSR, 15 avril 2015, 376229
Le juge administratif n’applique donc pas les articles sur la responsabilité des constructeurs de façon littérale, et peut même aller jusqu’à décider de ne pas les appliquer du tout, comme cela a été le cas dans cet arrêt du 5 juin 2023.
Dans cette affaire, le service hydrographique et océanographique de la marine avait confié un marché public de travaux à une entreprise afin de procéder au remplacement d’une centrale à eau glacée et d’une centrale de traitement d’air d’un atelier reprographique.
Quelques mois après la réception, des dysfonctionnements avaient été constatés, et l’installation de climatisation avait été hors service.
Le maître d’ouvrage public a alors sollicité la condamnation du constructeur à lui verser une somme au titre des travaux réparatoires, et ses demandes ont prospéré en appel, de sorte que le constructeur a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat.
Il soutenait que l’action du maître d’ouvrage était prescrite dès lors que les groupes de production de froid objets du marché avaient pour seule fonction l’exercice de l’activité professionnelle de ce dernier, si bien que les principes régissant la garantie décennale ne s’appliquaient pas.
Le Conseil d’Etat a écarté cette argumentation et a confirmé la condamnation, en considérant que les dispositions de l’article 1792-7 du Code Civil n’étaient pas applicables à la garantie décennale à laquelle étaient tenus les constructeurs au titre de marchés publics de travaux.
Les conclusions du Rapporteur Public nous éclairent sur cette décision, le cœur du raisonnement reposant sur le fait qu’en droit public, la garantie décennale portera dans l’immense majorité des cas sur des locaux professionnels, et non sur des locaux d’habitation.
Dès lors, l’application de l’article 1792-7 en droit public priverait d’effet le régime de responsabilité des constructeurs titulaires de marché public.
En adoptant cette solution radicale, le Conseil d’Etat bouleverse un équilibre voulu par le législateur quant au domaine d’application de l’assurance construction obligatoire.
Considérer que l’article 1792-7 du Code Civil ne sera pas applicable pour l’établissement de la RC décennale du titulaire d’un marché public aura en effet nécessairement une incidence importante sur le champ d’application de l’obligation d’assurance.
Lorsque les juridictions administratives auront statué sur la RC décennale du titulaire du marché public, en écartant l’Art 1792-7, le juge judiciaire ne pourra statuer que sur la base des seules dispositions applicables à l’assurance construction obligatoire, car il n’a pas compétence pour revenir sur la responsabilité en marché public.
Le juge judiciaire devra donc appliquer les clauses types, sauf à démontrer que l’ouvrage est exclu de l’obligation d’assurance selon l’article L 243-1-1 du Code des assurances.
Cet arrêt du Conseil d’Etat instaure également une différence importante de traitement selon que le maître d’ouvrage est public ou privé.
Ainsi, dans le cadre de la construction d’un hôpital public neuf, une entreprise ne pourra plus invoquer l’Article 1792-7 devant les juridictions administratives pour prétendre exclure la mise en jeu de la RC décennale et donc par ricochet, son assureur ne pourra pas prétendre exclure l’application des garanties obligatoires en matière d’assurance devant les tribunaux judiciaires, puisque la responsabilité décennale de son assuré aura été établie.
En revanche, dans la même situation pour une clinique privée, l’article 1792-7 pourra éventuellement être appliqué, si bien que les clauses types n’auront pas lieu d’être.
De même, dans le cadre de la souscription d’une police Dommages-ouvrage par une personne publique, il ne pourra plus être question d’exclure de l’assiette de prime, les éléments d’équipement que l’assureur jugerait comme ayant exclusivement pour objet l’exercice d’une activité professionnelle, alors que tel pourra être le cas pour une DO souscrite par une personne privée.
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